Défense en famille des valeurs de la République
Depuis les crimes de Conflans Sainte-Honorine contre notre collègue d'histoire et géographie, et celui de Nice dans la cathédrale, on entend partout laïcité et valeurs de la République. A toutes les sauces, surtout les plus indigestes.
Tout d'abord j'ai bien écrit crime et non attentat et encore moins attentat djihadiste. C'est à la police et à la justice de déterminer la qualité de ces crimes. Les qualifier d'attentat ou de terrorisme c'est faire croire qu'il y aurait une volonté préalable dans un projet politique d'ampleur. Ou alors on peut prendre le mot terreur dans une autre acception mais à ce moment-là il faudrait l'élargir : les féminicides seraient dans ce cas des actes de terreur. Quand au djihadiste on a du mal à cerner : serait-ce un complot mondial contre la France, type le Spectre dans James Bond (ou l'Antifrance dans Super Dupont) ou le mot poli pour exprimer le racisme ? Mais je m'égare…
Du coup, après nous avoir sucré l'hommage décent que nous devions rendre à notre collègue le 2 novembre, le Recteur nous propose ceci :
A l’occasion du 9 décembre prochain, journée de la laïcité, Monsieur le recteur a décidé de banaliser les cours afin que les équipes pédagogiques puissent prendre le temps de la réflexion, de la formation, de l’échange autour des thématiques de la liberté d’expression, des valeurs de la République, de la citoyenneté.
Entre temps il s'est passé des choses et la rancœur a grossi. Entre temps il y a eu le 2e confinement avec les attestations débiles, les commerces fermés pendant que le commerce en ligne a le droit de prospérer. Il y a eu le protocole sanitaire dans les établissements, notre collège compte près de mille personnes, élèves et personnels cumulés, dans des bâtiments du XVIIIe siècle : on tente d'éviter les brassages mais c'est peine perdue, par contre on s'épuise, les profs nomadisent de salle en salle avec des sacs énormes, et les élèves n'ont plus ni détente ni concentration. La vie scolaire fera mardi prochain sa 3e grève en 3 semaines. Nous ce sera la 2e. En plus de ces conditions de travail déplorables, le budget 2021 de l'éducation nationale prévoit 1800 suppressions de postes. On a juste eu le droit à l'aumône de 300 postes de remplacement de surveillants qui seraient malades du Covid pour toute l'académie. Mais attention, seulement jusqu'en février !
Et puis il y a eu, ou plutôt cela a continué : les violences policières. Contre les migrants, du moins ceux qui ont pu arriver ici, avec le démontage des camps et l'évacuation musclée de la place de la République, contre aussi un quidam qui avait le tort d'être noir, contre un autre qui s'est retrouvé sodomisé dans un commissariat. Avec des chefs, ministre, préfet, qui couvrent et qui, pour couvrir en appellent… aux valeurs de la République. Le préfet Lallement avait dit à la une manifestante "nous ne sommes pas dans le même camp". Décidément, nous n'avons pas les mêmes valeurs de la République.
Depuis 5 ans, nous avons vécu 3 ans sous le régime de l'état d'urgence. Des lois de restrictions des libertés sont votées… au nom des valeurs de la République.
La liberté ? Avec ou sans attestation ? Avec ou sans le droit de filmer ceux qui cognent ?
L'égalité ? Quand la police traite ceux qu'elle cogne de nègre ? Quand les géants de la vente en ligne peuvent se gaver quand le petit commerce crève ?
La fraternité ? Quand les plus riches payent le moins d'impôts ? Et quand nos impôts servent à sauver des actionnaires pendant que les services publics sont sous dotés et ses agents mal payé ?
Alors voici ce que j'ai répondu à ma cheffe d'établissement à la commande valeurs de la République pour la journée du 9 décembre. Les valeurs de la République, je suis allée les défendre dans la rue hier avec une belle pancarte qu'on voit sur la photo en haut de ce post.
Quels objectifs devons-nous nous donner au regard du contexte général et des besoins identifiés au collège ?
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- Expliquer les valeurs de la République, socle partagé de la nation : valeurs non négociables
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- Explication de la loi de 1905 et la spécificité de la laïcité à la française- la notion de blasphème ?
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- La liberté d’expression (jusqu’où peut-on aller ? ; comment sait-on ce qui peut être dit ou pas ; pourquoi les journaux s’autorisent-ils à publier des caricatures ? A-t-on quand même le droit de penser ce qu’on veut ?). Mise en perspective et en contexte au regard de la situation dans le monde