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Nadoch

Niouzes de la villa dimanches, de ses habitants, de ses visiteurs. Totalement narcissique.

Interdit d’interdire

Publié le 24 Avril 2008 par Nadine in Réflexions profondes


Nous fêtons cette année les quarante ans de mai 1968, cela permet à beaucoup de dire des bêtises ou des choses intelligentes (ou les deux). Cela permet aussi de regarder dans le rétroviseur avec nos lunettes d'aujourd'hui.
Interdit d’interdire, c’était un slogan de mai 68 ou post mai 68, et aussi le titre d’une documentaire passé la semaine dernière sur Arte. Ce documentaire portait sur l’école Vitruve, école expérimentale qui, durant l’année 1974 a mené la tentative d’une école sans obligations, sans programmes, sans classes, un vrai projet anar. Au-delà de la sincérité absolue des instit et des parents qui ont mené cette expérience qui n’a duré qu’un an, je retiens deux ou trois choses.
Les enfants de l’époque qui sont devenus des adultes ne gardent pas toujours un excellent souvenir de cette année de classe. Des excellents souvenirs aussi. Ceux qui étaient filmés en gardent cependant un souvenir inoubliable. Ils ont souligné cependant que la liberté absolue était aussi le libéralisme total, avec l’exclusion de certains dès qu’ils ne collaient pas au groupe. Que, faire des maths appliquées, par exemple pour faire les courses pour le groupe, engendrait beaucoup de stress : quand on se trompe dans un calcul abstrait, un coup de gomme suffit, quand c’est dans le réel, c’est un trou dans le budget ou un jour de jeûne pour tout le monde, soulignait l’une d’elle. J’ai retenu quant à moi, que cette école sans classes (groupe classe) était encore plus que l’école traditionnelle, une école de classes (sociales) : les ex-enfants devenus adultes qui étaient filmés appartenaient tous aux classes intellectuelles. Ils s’en sont tous sortis, certains avec difficultés après, pour revenir à l’école traditionnelle. Mais ceux qui appartenaient aux classes populaires, car cette école était dans un quartier populaire, beaucoup moins.
Cette expérience a été limitée dans le temps (un an), mais c’est de ces expériences-là que sont sorties beaucoup des expérimentations qui, aujourd’hui, sont le fer de lance du libéralisme. Paradoxalement ou pas ? Cela a commencé au début des années 1980 avec les ZEP et la pédagogie du projet. La politique de la ville dédouanant l’Etat de ses politiques ordinaires et lui permettant de s’en désengager, y a participé. C’est maintenant la droite qui nous vend la politique du projet, de l’expérimentation, de l’individualisation des apprentissages. Qui vend le projet contre le programme, comme elle nous vend le contrat contre la loi. Les idées des pédagos reprise à la sauce libérale. Des idées au départ généreuses perverties par les intentions budgétaires. Avec des logiques managériales (évaluation, responsabilité, mérite), les logiques de marché, la prise en compte du local, l’idéal d’efficacité. Or, tous les sociologues de l’éducation sont formels sur les effets pervers quand l’école veut d’adapter à son public. Cela ne marche qu’avec les bons élèves, c’est-à-dire ceux qui sont socialement programmés pour réussir. Pour les enfants des classes populaires, cela signifie bien souvent relégation accentuée ou école du mépris.
Alors, Nicolas le Petit et ses sbires, héritiers pervers de 68 ?


Pour une école ambitieuse de la réussite pour tous, tous dans la rue avec les lycéens mardi 29 avril à 14h


PS : quand on voit ce que sont devenus certains ex-soixantehuitard (Geismar et cie), qui auront donné des leçons à toutes les générations, on se dit qu'il n'y a pas que les idées qui ont été perverties.


Indications bibliographiques :

CAREIL Yves, GUIBERT Pascal, 2003, « Confrontations à un enfer de la réussite. De l’illégimité des élèves d’origine populaire en collège de centre ville », in Actes du colloque « les enfants pauvres en France » organisé par le CERC, la CNAF, le CGP et la DREES (Paris, Carré des Sciences, 21.3.2003).
DURU-BELLAT Marie, 2002, Les inégalités sociales à l’école, genèse et mythes, PUF, Paris.
DURU-BELLAT Marie, VAN ZANTEN Agnès, 2006, Sociologie de l’école, Armand Colin, 3e édition, Paris.
MERLE Pierre, 2002, La démocratisation de l’enseignement, La Découverte, Collection Repères, Paris.

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