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Nadoch

Niouzes de la villa dimanches, de ses habitants, de ses visiteurs. Totalement narcissique.

René Soley

Publié le 1 Avril 2020 par Nadine

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J'ai connu René en janvier 2010 alors qu'il célébrait la messe juste après le tremblement de terre d’Haïti. L’église était pleine à craquer, il y avait tous les Haïtiens de Marseille et René qui était en deuil de son pays et de tant d'amis qu'il avait laissé là-bas, nous a lancé un message d'espoir : kenbé rèd ! avait-il dit Pa moli ! j'ai appris ensuite que c'était ses deux expressions préférées.

René, c'était un drôle de bonhomme. Vous avez déjà compris qu'il était prêtre catholique. C'était aussi un drôle de paroissien. Engagé dans l'ordre missionnaire des Spiritains, lui qui était né en 1938 en Algérie avait ensuite fait le tour du monde ou presque. Dans ce tour du monde son cœur était resté en Haïti (et aussi à Montréal avec les Haïtiens). Sa soutane à lui c'était une casquette avec le drapeau d’Haïti. Il y avait passé près de 30 ans et en était parti à cause de Duvalier avant d'y revenir.

Il était donc revenu à Marseille il y a dix ans, prêtre retraité officiant auprès des Haïtiens où auprès des migrants. L'évêché lui avait trouvé un logement dans la cité de la Castellane où il disait être au paradis : cela lui rappelait l'Algérie de son enfance. Parce que c'était ça René, un type toujours souriant, toujours content. 

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René c'était mon copain curé mais c'était aussi mon copain de lutte. En fait à part Dieu nous étions sur le même credo : un prêtre du côté de la Théologie de la Libération, croyant que l'évangile devait s'annoncer d'abord ici-bas, de ceux qui ont cru en Titid au moment de la chute des Duvalier. Et même s'il s'était pris quelques douches froides il y croyait toujours envers et contre tous avec beaucoup d'optimisme. Il adorait quand je lui donnais l'Huma qu’il lisait avec plus de délectation que la Croix. 

 

 

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René était l'ami de tout le monde. Il adorait rencontrer des gens nouveaux avec lesquels il était immédiatement chaleureux. Il trouvait toujours tout délicieux et formidable sauf une chose, l'alcool ; il disait « pas d'alcool mon père a déjà bu pour toute la famille ». C'est maintenant que me vient une question : mais comment faisait-il avec le vin de messe ? 

Je le voyais à Marseille, je le voyais aussi à Aix où il venait visiter sa sœur. Je passais alors le prendre en bas de l'immeuble de sa nièce pour l'inviter à manger chez moi. Nous ne nous sommes jamais croisés en Haïti. Par contre à chaque fois que j’y suis je n'ai jamais manqué d'aller visiter sa fille de cœur et ses petits enfants de cœur.

La dernière fois que je l'ai vu c'était à l'hôpital à Marseille. Le cancer le rongeait. Il était très fatigué mais il avait gardé toute sa tête. Je lui ai laissé des romans haïtiens pour le distraire. Je l'ai eu au téléphone il y a quelques semaines, promettant que j'allais passer le voir. Il avait une voix claire et guillerette. Je n'ai pas pu tenir parole ; mes regrets n'y feront rien. Je ne sais pas si René est au ciel parce que je ne sais pas s'il y a un ciel, mais je sais que René est de toute façon dans mon cœur et dans celui de beaucoup de gens.

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