Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Nadoch

Niouzes de la villa dimanches, de ses habitants, de ses visiteurs. Totalement narcissique.

Hanna (suite) : debwazman

Publié le 11 Septembre 2008 par Nadine in Haïti

Ce n’est pas l’habitude de ce blog de reproduire des articles de journaux, je fais exception aujourd’hui avec deux très bons articles de Libé que j’accompagne de deux photos prises par ma pomme en février dernier.
Neel est  intéressé lui aussi par les niouzes d’Haïti : hier il a même interrompu son DVD du soir pour venir voir des vidéos sur internet et nous avons envoyé un courriel à Mam Jeanjean de la crèche pour prendre des nouvelles des enfants et des autres. Car, si la crèche à Port-au-Prince n’a pas été autant touchée que les Gonaïves, elle a quand même subi des dégâts matériels.
Nous avions remarqué en nous baladant un peu dans l’île l’état avancé de la déforestation (debwazman en créole, et dans cette affiche c’est bien une priorité de l’île, pou Ayiti chanje). Elle est une des formes de l’exploitation de ce pays, celle de la terre et celle des hommes, une exploitation qui a plutôt été jusqu’ici une prédation. Elle est maintenant un des signes du sous-développement. Elle n’est pas une fatalité.
Je connais assez bien une géomorphologue qui prendra bientôt sa retraite. Ca lui dit pas d’y aller pour examiner les ruissellements, les littoraux, et tout le reste ?


Haïti, une malédiction prévisible
Cyclones. Les déforestations et l’incurie chronique de l’Etat aggravent l’impact des tempêtes.
CHRISTIAN LOSSON

QUOTIDIEN : mardi 9 septembre 2008

De tempêtes tropicales en cyclones dévastateurs, Haïti se retrouve dans l’œil des dépressions. Après le passage de quatre d’entre eux en moins de trois semaines (Fay, Gustav, Hanna et Ike), le pays le plus pauvre du continent américain y a laissé le plus lourd tribu. Au moins 600 morts, des milliers de sans-abri, sans eau potable ni nourriture. Plus d’un million des 8,5 millions d’habitants sont sinistrés.
Epicentre de l’urgence : Gonaïves, à 152 kilomètres, au nord de Port-au-Prince. «La moitié de la ville de 100 000 habitants est sous l’eau, raconte Massimiliano Cosci, de l’organisation Médecins sans frontières (MSF), présent sur place. On redoute une épidémie de dysenterie si les gens se mettent à boire l’eau contaminée par les cadavres humains ou animaux.» La ville est coupée du monde. Seuls les hélicoptères de la Minustah, la mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti, survolent la zone. L’ultime voie d’accès routier n’a pas résisté à Ike : un pont s’est effondré ce week-end, tuant 20 personnes à Cabaret.
Galettes de terre. La vallée, où se trouvent rizières et cultures, ressemble à un lac sans fin. «Déjà déliquescentes, les infrastructures ont volé en éclat, résume Volny Paultre, agronome. Impossible, désormais, de porter secours aux sinistrés des Gonaïves et surtout, aux paysans alentour.» Les rares témoins disent tous la même tragédie. Habitants recroquevillés sur des toits, enfants affamés nourris aux galettes de terre, cadavres encore envasés. «L’alarme n’a pas fonctionné pour le cyclone Hanna, qui, en plus, est arrivé dans la nuit», rappelle Cosci, qui a ouvert un dispensaire de chirurgie après l’inondation et la mise hors d’usage du seul hôpital.
«C’est la malédiction pour notre ville, déjà traumatisée par le cyclone Jeanne, 3 000 morts en 2004», se lamente Gary Talleyrand, un ingénieur de Gonaïves. Si malédiction il y a, c’est d’abord celle du mal-développement. Une malédiction plus humaine que naturelle. «La lutte contre la déforestation est la priorité numéro 1 du pays», confie à Libération (lire l’entretien sur Libération.fr) Joël Boutroue, coordinateur de l’aide de l’ONU à Haïti. Avec ses moins de 2 % de couverture végétale et ses deux tiers de territoires montagneux, le pays tient du caillou. Sur lequel ruissellent des torrents d’eaux boueuses. «Les colons français ont défriché pour y planter de la canne à sucre, du coton et du café, racontait en 2007 Jean-Marie Vanden Wouver, du Bureau international du travail (Libération du 28 décembre 2007). Puis, sous l’occupation américaine, de 1915 à 1934, la couverture est passée de 60 à 21 %.» Depuis, la déforestation, par une population vivant à 70 % sous le seuil de pauvreté et contrainte de se chauffer et de cuire ses repas avec du bois, a fait le reste. «Délaissés par un pouvoir corrompu et impuissant, les Haïtiens sont livrés à eux-mêmes, soupire Volny Paultre. Alors, ils cultivent où il ne faudrait pas. Ils déboisent quand il ne faudrait pas.»
«Priorités». En 2004, le Premier ministre Gérard Latortue jurait pourtant : «Tant que l’on n’aura pas reboisé, tous les deux, trois ou quatre ans, après de fortes pluies, la même chose se reproduira.» Trois ans plus tard, son successeur, Jacques Edouard Alexis, estimait : «Le drame, c’est qu’il n’y a pas d’Etat. Et trop de priorités. Ce qu’il manque, c’est de la stabilité démocratique.» Alexis a été destitué en avril, lors des émeutes de la faim, dans un pays où 80 % des importations sont alimentaires. Le budget du ministère de l’Environnement, lui, n’a pas changé : 4 millions de dollars. La nouvelle chef du gouvernement, Michèle Pierre-Louis, a lancé dimanche un nouvel appel à l’aide internationale. Hier, la Commission européenne a débloqué 2 millions d’euros.


Haïti: après Fay et Gustav, «Hanna et Ike nous ont mis sur les genoux»
Joël Boutroue coordonne l’aide humanitaire du PNUD (Programme des nations unies pour le développement) en Haïti. il revient sur la situation dans le pays après le passage de l’ouragan Ike.

RECUEILLI PAR FRANÇOIS MEURISSE
LIBERATION.FR : lundi 8 septembre 2008
Quelques heures après le passage de l’ouragan Ike,  quelle est la situation en Haïti ?
On est dans l’estimation des besoins, dans la phase d’estimation des dégâts. Quelles sont les routes qui ont été emportées? Quels sont les ponts qui ont été cassés? Il faut relancer la machine mais les moyens logistiques sont limités.
La ville de Gonaïves au nord du pays a payé un lourd tribut…
Oui, Gonaïves était sous les eaux à 40% après le passage de Hanna et avant celui de Ike. Elle est désormais inondée à 85%. On ne peut s’y rendre par la route car les voies sont coupées. C’est pourquoi deux bateaux sont arrivés avec de la nourriture. Un hélicoptère également. On attend aussi qu’un bateau du Programme alimentaire mondial (PAM) arrive.
Les habitants étaient-ils bien préparés au passage de ces ouragans?
Les alertes précoces ont plutôt bien fonctionné avec les deux premiers, Fay et Gustav, même s’il y a eu beaucoup de victimes après le passage du deuxième: plus de 70 morts. Hanna et Ike, ça nous a mis sur les genoux. Les stocks de provisions étaient entamés et les précautions prises moins efficaces. Hanna a de plus une trajectoire qui n’était pas prévue du tout. Même moi qui suivais la situation heure par heure, je n’ai jamais entendu ça: il a fait un virage à 90 degrés, chose inédite depuis 1954.
La déforestation massive d’Haïti a-t-elle fait empirer la situation?
Oui. Cela fait un an et demi qu’on le dit: il faut faire de l’environnement une priorité en Haïti. Et il faut que ce soit une stratégie soutenue sur la durée, pas pour un an ou deux. L’avantage de mettre l’accent sur l’environnement, c’est que ça fait travailler des milliers de personnes, c’est tout bénef.
Il faut replanter des arbres mais pas seulement. Il faut faire en sorte qu’ils puissent survivre. Les gens sont pauvres, bientôt vient la rentrée scolaire et comme ils sont encore plus pauvres à cause des ouragans, ils vont être tentés de couper de nouveaux arbres. C’est ce cercle vicieux qu’il faut casser. Mais pour cela il faut encourager une vraie stabilité politique et il faut de l’argent. Beaucoup d’argent.
Commenter cet article