Commandes en ligne : on arrête !

Voici l'affichette que j'ai collée sur la porte de mon garage, bien à la vue de tous les passants. En ces temps de confinement notre rue paisible est devenue aussi fréquentée que le cours Mirabeau. Elle a été beaucoup vue : évidemment les seuls commentaires que j'ai entendus ont été positifs. J'espère avoir mis un peu la honte ou du moins avoir fait un peu réfléchir les autres (mais je doute). 

Il y a une ou deux semaines — je ne sais plus, le temps passe de façon étrange durant le confinement — j'ai croisé une fois encore, une fois de trop, un camion de livraison dans la rue. Ce sont en ce moment les véhicules que l'on voit le plus. Le jeune garçon était perdu dans les noms, les numéros, ne savait comment faire, en particulier pour faire signer, ce qui voulait dire s'approcher des gens alors qu'il avait un équipement rudimentaire de protection. Il m'a demandé où habitait Monsieur Untel et je lui ai répondu qu'il n'avait qu'à laisser où il voulait ce colis, que Monsieur Untel pouvait penser aux livreurs et arrêter de commander.

D'ailleurs d'autres livreurs ne s'embarrassent pas de tant de précautions, ils posent ou jettent les colis dans les jardins, ce qui amène certains livrés à râler sur cette pratique. A voir les visages des livreurs et la diversité des camions de livraisons et des agences de location de ces camions, ce sont visiblement des jeunes en contrats précaires embauchés pour l'occasion. 

Quelques jours plus tard, je vois un autre livreur débarquer plein de paquets et je commence à râler contre les gens qui commandent des colis en ce moment. Le type (sans masque ni gants) me répond qu'il est passé à 120 colis par jour ! C'est juste après que j'ai collé mon affichette.

Depuis j'interpelle les gens dans la queue quand je fais les courses, dans la rue. Quel monde voulez-vous ? Quel respect avez-vous pour ces salariés (je pense même que salariés n'est pas le mot. Je pense même qu'ils sont en contrat Uber comme dans le dernier Ken Loach).

Ecoutez donc ce qu'en pense ce livreur Deliveroo (ou Uber Eat, je ne sais plus, en tous cas une de ces boite d'exploitation du populo) dans cette émission : 

Quel monde voulez-vous ? Un monde de gros camions petits colis ou une ville vivante ? Des écrans pour commander ou des vrais gens à qui parler ? Durant le confinement, les commerçants, même aidés, sont dans la difficulté pendant que les entreprises de vente en ligne prospèrent. Et certaines ne paient pas ou peu d'impôts. 

Quel monde voulez-vous ? Un monde de consommation de produits en plastiques la plupart inutiles produits en Chine ou au Bangladesh, achetés de manière compulsive ? Sans compter les emballages et les sur-emballages qui encombrent la voire et déchèteries. 

Ou un monde de liens locaux ? Un monde de produits durables recyclable et recyclés ? 

Je crains que le monde d'après soit encore pire que le monde d'avant. Pour ma part, je ne commande plus sur internet sauf exception quand il n'y a que là que l'on trouve. Pour de bon : en 2019, une seule commande, quand le vendeur de mon magasin préféré d'informatique m'a dit d'y aller parce que c'était introuvable ailleurs. Je ne suis pas pour autant un modèle dans mon mode de vie et de consommation, loin de là.

J'espère que mon affichette aura fait réfléchir au moins un ou deux passants. Ce sera déjà pas mal.